Maître Sugino est né dans la 37ème année de l’ère Meiji (voir Histoire du Japon), soit le 12 décembre 1904, dans la province de Chiba. Sa famille avait l’autorisation de posséder des armes anciennes comme le Yari ou le Katana, au titre de trésors de famille. Dès son enfance, Maître Sugino aborda l’escrime en s’initiant au Ken jutsu avec le maître Shingai Saneatsu. Il pratiqua très tôt le judo et eut pour maître Iizuka Kunisaburo, 10ème Dan du Kodokan. Il débuta le Kendo en 1916, avec le maître Naogai.

Toute forme de lutte pour être meilleur qu’un autre, pour écraser une tierce personne, cette attitude de l’homme, on la trouve dans tous les domaines et à tous les niveaux de la vie sociale. Ceci est à l’opposé de l’esprit véritable des arts martiaux, qui suppose la disponibilité, la simplicité, l’humilité.  (Sugino Yoshio)

Dès l’enfance, il étudie le sabre et le Kendo avec maître Shingaï Saneatsu, un ancien bushi (guerrier), qui formera également le célèbre maître de Kendo Takano. Il pratique le Kendo en 1916 avec Naogai sensei. Il étudie plus tard le Judo avec Iizuka Kunisaburo, qui le recommande chaleureusement à maître Kano Jigoro, au Kodokan. Il deviendra rapidement un champion de premier plan. A l’âge de 24 ans, il reçoit le 4ème dan de Judo et ouvre une section à Kawasaki, la ville où il réside. Kano sensei, désirant maintenir la tradition martiale, crée une section de recherche et d’étude sur les Kobujutsu (arts martiaux anciens) : le Kenkyukaï. Sugino Yoshio, ainsi que Mochizuki Minoru, ont eu le privilège de figurer parmi les jeunes désignés pour étudier le Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu, école hautement traditionnelle, vieille d’un demi-millénaire. Il étudie sous la férule des maîtres Ito Tanekichi, Kuboki Sozaemon, Tamai Narimichi et Shiina Ichizo. Passionné par cet art ancien, Sugino sensei pratique pendant près de 10 années sous la direction de ce dernier.

Dès 1927, soit à l’âge de 23 ans, il reçu de Jigoro Kano, le fondateur du Judo moderne, l’autorisation d’ouvrir un dojo d’entraînement au judo à Kawasaki. En 1928, il obtint le 4ème dan de judo. C’est à cette époque que Maître Kano invita au Kodokan des experts des arts martiaux traditionnels, et notamment 4 maîtres du Katori Shintô Ryu, les maîtres Shiina, Tamaï, Ito et Kuboki, afin d’initier ses jeunes gradés aux arts traditionnels et d’éviter que ceux-ci ne disparaissent. Avec quelques condisciples dont Mochizuki Minoru Senseï, Maître Sugino reçu cet enseignement. Conquis par l’art extraordinaire du Katori Shinto Ryu, Maître Sugino s’y adonna avec passion sous la direction des maîtres Shiina, Tamaï et Ito durant deux ans, puis devint le disciple particulier de Maître Shiina durant près de 10 ans.

Parallèlement, il s’initia dès 1930 et toujours sur la demande de Maître Kano à l’Aikijujutsu du Daïto Ryu Aïki Jujutsu auprès de Ueshiba Morihei Senseï. Sugino Yoshio fait à nouveau partie de ces étudiants. Quelques années plus tard, ce dernier reçoit la très rare permission d’ouvrir une section d’Aïkibudo Ueshiba Ryu au sein de son dojo, tandis que Mochizuki Minoru devient l’assistant de maître Ueshiba.

En 1935, Sugino sensei étudie le Yoshinki Ryu Ju-jutsu et reçoit de Motoaki Kanaya sensei, le titre de Kyoshi.

En 1940, Iizasa Kinjiro, 19ème soke du Katori Shintô Ryu, lui accorda l’autorisation d’enseigner, à la suite d’une brillante démonstration effectuée devant le prince impérial Nashimoto. Le dojo de Kawasaki devint dès lors une branche du Katori. Maître Kinjiro a encouragé Maître Sugino à diffuser le Katori à l’extérieur de Katori et même à écrire un ouvrage. Il le préfaça comme suit :

« … La situation sociale ne permet plus de garder les secrets de la doctrine du Katori Shintô Ryu uniquement à l’intérieur de l’école. Après l’apparition de l’Association pour la réanimation des Arts martiaux du Japon au printemps de 1935, je me sentais coupable de laisser mourir les arts du Fondateur, j’ai donc choisi le maniement du sabre pour montrer au public certaines parties du shintô RYU et ceci dans le but de rendre service à la nation. Monsieur Sugino m’a proposé juste au bon moment de publier en compagnie de Mme ITTO KIKOUE des techniques existantes afin de guider les plus jeunes. Je lui ai donné mon appui et c’est ainsi que ce livre a vu le jour. Ce livre contient en abondance les expériences de l’auteur qui a réussi à saisir la quintessence de l’esprit des arts martiaux, qui explique minutieusement les techniques de l’Omote Waza En conséquence, on peut utiliser ce livre comme manuel de maîtrise ou comme guide d’instruction pour débutant. Ce livre étant publié à l’heure même où l’on tente de populariser l’esprit des arts martiaux, je suis sur qu’il servira la société future. Enfin j’exprime toute mon admiration aux auteurs pour les efforts qu’ils ont déployé. Fait à Katori au milieu de l’automne 1941. Iizasa Shuri No Suke Kinjiro, 19ème descendant du fondateur. »

Maître Sugino a été nommé 10ème Dan en 1981 par l’institut international des arts martiaux. Au Japon, Maître Sugino est connu pour avoir réglé les combats des films de samouraï tels les 7 samouraï d’Akira Kurosawa ou des films de Inagaki Iroshi. Deux acteurs s’initièrent à l’art du Katori ; Shimura Takashi et surtout Toshiro Mifune, mondialement connu, récemment disparu.

C’est en 1982, que la rencontre entre Maître Floquet et Maître Sugino eut lieu. Après une période de perfectionnement de Maître Floquet et de ses principaux disciples, dont Daniel Dubreuil dans l’art du Katori, Maître Sugino organisa en septembre 1984 une présentation technique devant le soké actuel M. Iizasa Yasusada. 6 mois plus tard le Soke autorisait Maître Sugino à confier à Maître Floquet la charge d’organiser l’enseignement du Katori Shintô Ryu en France. Le 8ème jour du 4ème mois de la 60ème année de l’ère showa (8 avril 1985) Maître Sugino lui confiait officiellement la responsabilité du Katori Shintô Ryu en France.

Maître Sugino a animé à plusieurs reprises des stages en France notamment à Paris, à Vanves, au Temple sut Lot et à Lagord, près de La Rochelle. Il a reçu dans son dojo de nombreux pratiquants recommandés par le Shibu Français de Katori Shintô Ryu.

En avril 1995, il vint à Paris et participa à la Nuit des Arts Martiaux de Bercy où, par la pureté de son style et son extraordinaire vitalité pour un homme de 91 ans, il conquis le public qui lui fit une formidable ovation.

A côté de son dojo, Sugino sensei a créé une clinique de soins, de rééducation et de massages. Il a renoué ainsi avec la pratique qui était propre aux anciens bushi qui enseignaient le Ju-jutsu et se transformaient en médecin ou kinésithérapeute. 

Maître Sugino s’est éteint le 13 juin 1998, à l’âge de 94 ans, après avoir confié la responsabilité de son dojo de Kawasaki à son fils, Maître Sugino Yukihiro. Haut de 159 centimètres et léger de 56 kilos, Sugino sensei figurait parmi les grands des arts martiaux du siècle dernier.